Le peuple Jomon du site Kinsei, émerveillé par le mont Kaikomagatake
Une mystérieuse figurine d'argile a été trouvée sur le site Kinsei à Hokuto, Yamanashi. Elle est grande et creuse, avec la bouche saillante comme une pieuvre et de très grands yeux légèrement effrayants. Les experts disent que c'est un type inhabituel, connu sous le nom de figurine d'argile à lunettes de neige (shakoki dogū), mais je ne le pense pas.
Cette figurine un peu étrange a été créée par les gens du site Kinsei. Le site a prospéré pendant la dernière partie et la toute fin de la période Jomon, qui s'étend de 14 000 à 300 ans avant JC. Les gens qui s'y connaissent un peu sur la culture Jomon peuvent remettre cela en question, mais une étude récente indique qu'il est difficile de trouver des sites de la période Jomon Tardif car, à cette époque, des changements dans l'environnement naturel avaient modifié les conditions de vie de la population. Il existe de nombreux sites connus de village Jomon dans les hautes terres centrales où est situé le site Kinsei, mais ils datent généralement de la période Jomon Moyen. Ce site a prospéré beaucoup plus tard.
À partir du site Kinsei, on peut apercevoir le mont Kaikomagatake. Mais ce n'est pas tout. Le mont Fuji au sud et le mont Yatsugatake au nord sont également visibles. C'est une ligne de montagnes vraiment incroyable. Quand on se tient sur le site, il est facile de comprendre pourquoi ils ont choisi cet endroit pour le village.
Selon le conservateur du musée à Hokuto, M. Takashi Sano, le village de Kinsei était principalement un lieu de pratiques rituelles. Les maisons étaient inhabituelles, certaines avec des sols en pavés taillés et d’autres entourées de pierres dans des arrangements particuliers. À un endroit où les pierres semblaient former un cercueil, des fragments d'os humains carbonisés ont été trouvés, ainsi que des boucles d'oreilles et d'autres ornements personnels.
Tout cela m'a fait penser que les habitants de Kinsei aimaient beaucoup les pierres.
De nombreuses habitations qui intégraient des éléments de construction en pierres et qui dataient de la fin de la période Jomon Moyen ont été trouvées à Yamanashi, Nagano et Kanagawa. Je pense qu'au-delà de la tendance à utiliser beaucoup de pierres dans les habitations Jomon, il y a eu un changement important de conscience. Leur façon de penser aux pierres à évolué. Je suppose, par exemple, qu’un sens de «l’universalité» a commencé à germer dans leurs esprits.
En plus des maisons, la pierre a été utilisée à Kinsei dans d'autres endroits et pour diverses choses. Il y a des formations en pierres, où les pierres ont été placées d'une certaine façon à dessein. Parmi les reliques trouvées, il y a des tiges en pierre, petites et grandes, qui sont clairement phalliques. Il y a aussi des pierres rondes. Ces gens aimaient définitivement les pierres. Mais ils ne se sont pas contentés de n'importe quelles pierres. Ils ont sélectionné des pierres blanches provenant du bord de la rivière Kamanashi, située à environ cinq kilomètres à l'ouest, et les ont transportées jusqu'au village.
Il ne semble pas qu'il s'agisse uniquement de personnes aimant les pierres.
L'utilisation de pierres avait peut-être même une signification particulière. Travailler ensemble pour déplacer de lourdes pierres avait peut-être une signification rituelle. Il se peut aussi que ce soit les habitants des communautés voisines qui ont transporté les pierres sur le site Kinsei. Ils ont pu les ramasser et les y placer afin de montrer leur solidarité régionale. Il est fort possible que Kinsei n’ait pas été uniquement un lieu de vie, mais aussi un site rituel pour les habitants des environs.
Notre logique moderne ne s’applique pas à ce que le peuple Jomon faisait. Nous pourrions faire des jugements rationnels et dire que les pierres sont trop lourdes ou difficiles à manipuler, mais ce type de raisonnement ne s'applique pas. En réalité, cela est peut-être vrai pour les aspects de la vie quotidienne, mais lorsque je me tiens sur le site et que regarde les espaces créés et les objets mis à jour, j'ai l'impression que la logique moderne ne fonctionne pas ici. Pour un personne moderne telle que moi, ce sentiment ébranle ma réalité. C'est une des choses que j'aime quand je visite le site.
M. Sano, le conservateur, m'a dit quelque chose d'intéressant:
“Pendant la période Jomon Final, il y a eu un changement dans la conscience que les gens avaient de la terre, c'est-à-dire des lieux où ils vivaient. Peut-être ont-ils fait des monuments pour laisser des traces de leur lignée ancestrale.”
Cela m'a surpris, car je pensais que le peuple Jomon n'avaient aucune notion de propriété des terres. Strictement parlant, l’idée moderne de «propriété» est probablement différente. Malgré tout, alors que les aliments d'origine végétale étaient abondants pendant la période Jomon Moyen, l'approvisionnement en nourriture est devenu plus instable en raison de changements environnementaux. Dans cette situation, une prise de conscience que "cette terre est la leur" a pu se développer, et les gens ont pu commencer à croire fermement que les aliments d'origine végétale près de leur village leur appartenaient. Si cette sorte de conscience est devenue encore plus forte, il se peut que toute la région, y compris d'autres localités voisines, ait partagé la conviction qu'en organisant des rituels, ils pouvaient continuer à vivre sur leur terre en coopérant et que c'était ainsi qu'ils réussissaient à survivre. Je crois que c'est ce qu'il s'est passé.
Soit dit en passant, si les gens de Kinsei aimaient tellement les pierres, qu'est-ce qu'ils pouvaient ressentir à propos de l'obsidienne?
Selon M. Sano, une mine d’obsidienne était accessible en marchant trois ou quatre jours depuis Kinsei.En fait, du minerai d'obsidienne a été trouvé à Kinsei.
“Le peuble Jomon semblait très bien connaître le chemin qui menait à la mine. Des restes ont été trouvés à des endroits correspondant à chaque journée de marche complète le long de la route.”
Bien sûr, bien que nous ne puissions pas les appeler des villages étapes, plusieurs colonies Jomon ont été construites le long de la route menant à la mine d’obsidienne.
Ce sont comme des oasis dans le désert. C’est le genre de choses que j’attends du peuple Jomon.
Mme Akiko Konda est écrivaine. La vue des figurines d'argile de Kanonji Honma à Kashihara dans la préfecture de Nara l'a incitée à visiter des musées et des sites archéologiques de plusieurs localités et à lancer une recherche continue sur les figurines d'argile. Mme Konda a fait un travail consistant sur la présentation des biens culturels de plusieurs localités dans un langage facile d'accès. Elle a également tenu des exposés sur les traits attirants des biens culturels via des interventions à la télévision et à la radio, en participant à des débats, etc.
Parmi ses livres, on peut citer : « Hajimete no Dogu (Initiation aux figurines d'argile) » (2014/Éditions Sekai Bunka), « Nippon Zenkoku Dogu Techo (Manuel sur les figurines d'argile au Japon) » (2015/Éditions Sekai Bunka), « Tokimeku Jomon Zukan (Livre illustré amusant sur la période Jomon) » (2016/Éditions Yama-kei), « Dogu no Riaru (Le véritable monde des figurines d'argile) » (2017/Yamakawa Shuppansha), « Shirarezaru Jomon Raifu (Faits peu connus sur la vie durant la période Jomon) » (2017/Seibundo Shinkosha), « Dogu-kai e Yokoso – Jomon no Bi no Uchu (Bienvenue dans le monde des figurines d'argile) » (2017/Yamakawa Shuppansha), et les livres co-rédigés « Omoshiro Nazotoki "Jomon" no Himitsu (Résolution amusante de mystère : les secrets de la période Jomon) » (2018/Shogakukan), et « Oru Dogu-chan (Personnages de figurines d'argile par pliage de papier) » (2018/Imprimerie Asahi).